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Trois familles, trois façons de manager
L’association entre parent et enfant ne va pas forcément de soi pour gérer une officine. De manière générale, l’aîné doit apprendre à faire des concessions et le descendant réussir à s’imposer. Voici trois fonctionnements de tandems familiaux. Du plus paternaliste au plus participatif. A vous de choisir.
1. Dans l’ombre du père
Après plus de trois ans d’assistanat, Daniel Kennel rejoint l’officine de son père en 2000. « Nous avons fondé une SELARL avec l’objectif de travailler ensemble pour assurer la transmission », explique-t-il.
Finalement, la gestion en duo durera quatre années… pendant lesquelles Daniel a dû suivre le tempo imposé par son père.
En effet, Jean Kennel n’a jamais envisagé d’« accorder ses violons » avec la tonalité managériale proposée par son fils. « Mon père est paternaliste et il était très attaché à la relation avec l’équipe qu’il a fondée », observe Daniel. Il n’était donc pas question d’envisager un quelconque partage des tâches. « Cette période fut pour moi une grande dépense d’énergie émotionnelle. Il n’était pas possible d’avoir un projet d’entreprise », reconnaît Daniel.
Le fils préfère le management participatif
Le fils du pharmacien met alors à profit cette période pour réfléchir et construire son propre projet d’entreprise. « J’ai compris les valeurs qui avaient permis à mon père de fidéliser une clientèle. J’ai aussi eu le temps de réfléchir et de construire ma propre vision de l’officine. Au contraire, lorsqu’on commence seul, il est difficile de prendre du recul et de se poser les bonnes questions.»
Jean a pris sa retraite en 2004. Mais il reste associé et habite toujours au-dessus de la pharmacie. Atteint par le « virus officinal », il a continué à venir dans l’officine jusqu’en 2007. Conséquence, Daniel n’a pu prendre ses marques que petit à petit. Car ce n’est qu’après le départ de son père qu’il a pu se positionner comme un manager face à l’équipe. Celle-ci l’a bien accepté, mais ne l’a pas forcément considéré comme un véritable décisionnaire. « J’ai suivi une formation de management et je travaille désormais sur le mode participatif. J’ai dû remplacer des collaborateurs et cela m’a aidé à prendre ma place. J’apporte progressivement ma propre sensibilité à l’entreprise », commente-t-il.
2. Un coaching et une délégation des tâches en douceur
A peine ses études terminées, Julien Rivière a été embauché comme adjoint dans l’officine que sa maman gère en association, à Toulouse. Il y travaille depuis six mois. Par souci d’équité, la pharmacienne n’entend pas privilégier son fils. Une règle d’or qu’elle applique parfois à l’extrême. « Je suis même plus exigeante avec lui qu’avec les autres salariés », reconnaît Nicole.
Cette rigueur particulière, Julien l’accepte parce qu’il a « tout à gagner au contact d’une professionnelle qui a 35 ans d’expérience réussie ». Il s’en explique : « A la faculté, on nous apprend à être un bon adjoint, mais pas à devenir un excellent gestionnaire. J’ai la chance de travailler aux côtés de ma mère qui me transmet toutes les ficelles du métier. »
Les échanges, très libres, ne se font cependant pas sans heurts. « J’émets plus facilement mon opinion face à ma mère que je ne le ferais avec un autre patron. Le dialogue est alors plus constructif ! » Les éventuels désaccords ne retentissent cependant pas sur l’entente familiale. « Dès que nous quittons la pharmacie, nous quittons le cadre professionnel », assure Nicole.
Démontrer quotidiennement que sa place n’est pas usurpée
Julien sait qu’il devra prendre le relais de sa maman – ou des parts dans l’association – dans quelques années. « Tout de suite, je ne me sens pas prêt », reconnaît-il. Pour débuter, il se voit déléguer quelques tâches comme les relations avec la maison de retraite et la gestion des stupéfiants. « Cela me convient parfaitement, ce sont des tâches qui requièrent les compétences d’un adjoint. » Mais Julien ne souhaite pas pour le moment s’occuper des commandes. « Je progresse pas à pas, j’essaie d’abord de faire ma place en mettant à profit mes connaissances », confie le pharmacien junior.
Cette humilité a aidé le jeune pharmacien à se faire accepter et respecter par l’équipe. Pas évident, quand on sait que trois collaborateurs de l’officine l’ont connu en culottes courtes ! Mais Julien est particulièrement lucide. « Il est inutile d’arriver en terrain conquis. Je suis parvenu à gagner la crédibilité de l’équipe en démontrant au quotidien, par mon savoir et mon comportement, que ma place n’est pas usurpée. »
3. Des domaines réservés et un recadrage mutuel
« A 55 ans, je ne voyais pas d’autres solutions que de revendre à contrecoeur la pharmacie », se souvient Annie Herbet, titulaire à Coudekerque-Branche (Nord-Pas-de-Calais). A moins de s’associer avec sa fille. En 2006, elle propose alors à Julie de la rejoindre.
Le partage du pouvoir n’a rien d’évident pour Annie Herbet. « Pendant quinze ans, j’ai eu l’habitude de prendre mes marques seule », confie-t-elle. Mais, avec sa fille, elle a accepté de faire des concessions car « il y a entre nous une réelle complicité ». Julie s’est donc du jour au lendemain retrouvée à la tête d’une équipe qui l’a vue grandir. « C’est ma seconde famille et elle m’a été d’un grand soutien au départ », insiste Julie, qui a alors écouté ses collaborateurs avant de commencer à prendre des initiatives au bout de huit mois d’exercice.
Mais il n’est pas question pour Julie de marcher sur les plates-bandes de sa mère. Car toutes deux se sont partagé les tâches, excepté la présence au comptoir qu’elles affectionnent particulièrement toutes les deux. Annie a conservé la comptabilité et la gestion du personnel. Julie a pris en charge le secteur commercial (commandes, gestion des stocks, politique de prix…) et le pôle entrepreneurial.
La qualité relationnelle avec l’équipe et les clients préservée
Ainsi, la jeune pharmacienne a pris l’initiative de réaliser des travaux d’agrandissement, de référencer de nouvelles gammes et de développer la contention et le matériel médical. Résultat : le chiffre d’affaires ne cesse de progresser et deux collaborateurs ont été embauchés depuis son arrivée. « Julie a su faire fructifier l’entreprise en respectant mes principes, c’est-à-dire la convivialité avec l’équipe et la qualité relationnelle avec les clients », se félicite Annie.
Entre la mère et la fille, les disputes sont inexistantes. Car toutes deux ont un vrai regard critique l’une sur l’autre. « Nous nous recadrons mutuellement. Julie a tendance à vouloir aller de l’avant trop vite, et moi j’ai souvent peur d’entreprendre », analyse Annie. Quoi qu’il en soit, chacune des associées est au courant des initiatives de l’autre. « Nous nous retrouvons plusieurs fois par semaine pour débriefer », raconte Julie. La communication avec l’équipe est aussi fondamentale et se traduit par l’organisation régulière de repas. « Je n’aurais pas pu imaginer une fin de carrière aussi épanouissante », confie Annie.
Les conseils de Brigitte Defoulny (Héliotrope)
Conseils aux parents et aux enfants
-Prévoir en amont la répartition des tâches.
-Construire un projet commun d’entreprise ou, du moins, s’accorder sur les orientations stratégiques.
-Cloisonner vie privée et vie professionnelle.
Conseils aux parents
-Officialiser la prise de fonctions de son enfant en réunissant toute l’équipe. Cela évitera toute ambiguïté de pouvoir entre les anciens et le « fils de ».
-Clarifier le nouveau mode de fonctionnement devant l’équipe.
-Aider le junior à préparer les premiers entretiens d’évaluation afin qu’il puisse se positionner adroitement vis-à-vis de chaque collaborateur.
-S’appuyer sur les compétences de cette nouvelle recrue afin de se mettre en retrait au lieu de continuer à tout diriger.
-Fixer à l’avance le jour où le relais est définitivement passé et tenir ses engagements. Sinon le jeune aura tendance à s’imposer, d’où un risque de tensions au sein de la famille.
Conseils aux enfants
-Observer avant de passer à l’action : mieux vaut mettre ses idées en oeuvre progressivement, dans un contexte de confiance mutuelle.
-Ne pas vouloir tout maîtriser d’emblée : il faut savoir faire profil bas au début pour se faire accepter par l’équipe et par son parent.
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