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L’appétit suisse
Qu’est-ce qui a bien pu pousser Gaëlle Bosset à passer la frontière suisse pour y exercer comme adjointe dans une chaîne de pharmacies ? Le salaire et la fiscalité, tout simplement. Avec une grosse contrainte tout de même : s’adapter à une nouvelle forme d’exercice, avec sa Pharmacopée et ses règles propres.
Tout a commencé l’été dernier avec une petite annonce parue dans la presse : « Chaîne de pharmacies suisse recherche pharmaciens français ». « Je venais de démissionner de la para d’une grande enseigne de parfumerie. Un endroit idéal pour se former aux techniques de ventes, aux négociations commerciales avec les fournisseurs et au management », raconte Gaëlle Bosset. Mais après deux ans à ce poste la jeune femme de 30 ans est tentée d’acquérir une pharmacie. « J’ai entamé des démarches et visité quelques affaires. Les prix de cession, surévalués, m’ont dissuadée. » Redevenir adjointe ne l’enthousiasme pas vraiment. « Les promotions internes sont inexistantes. Quant aux salaires, ils plafonnaient par ici. » La petite annonce suisse présente aux yeux de Gaëlle deux arguments de poids : des perspectives d’évolution et un salaire attractif. La proximité géographique, entre Annecy et Genève, finira de la convaincre de postuler. Gaëlle est embauchée.
Un salaire de 2 741 euros net d’impôt
Pour 36 heures par semaine, ce qui correspond en Suisse à un temps partiel, Gaëlle perçoit un salaire de départ fixé à 4 200 francs suisses net par mois (environ 2 741 Euro(s)). En comparaison, côté français, il fallait être au coefficient 600 l’été dernier pour obtenir ce niveau de rémunération. Avantages fiscaux en moins ! « Le salaire est net d’impôts car dans le canton de Genève ils sont directement prélevés à la source. » Travailler de l’autre côté de la frontière offre également à Gaëlle la possibilité de contracter un emprunt immobilier en devises suisses. « Les taux, plus faibles qu’en France, varient entre 1,2 et 1,5 %. C’est un avantage qui compte… », souligne-t-elle. Ses calculs seront donc vite faits, même si elle doit prendre en compte les frais d’essence, de péage, et de passage de la douane inhérents aux trajets entre Annecy et Genève. Autre coût à provisionner : une assurance privée pour pallier la perte de couverture sociale. « Je ne bénéficie plus en France de la Sécurité sociale des travailleurs salariés. Or, en Suisse, les frais médicaux ne sont pas garantis », explique la pharmacienne, qui est justement enceinte de son premier bébé.
Apprendre une nouvelle façon de prescrire
Mais détenir un contrat de travail en bonne et due forme n’est pas suffisant pour exercer sur le territoire helvétique. Bien que le diplôme français de docteur en pharmacie y soit bien coté, il n’est pas reconnu. « faut faire une demande d’équivalence et d’autorisation de pratique dans le canton, soit trois mois d’instruction et 1 500 francs suisses [979 Euro(s)] aux frais du demandeur. » Le temps d’obtenir ce sésame, Gaëlle commence sa période de formation sous la responsabilité d’un pharmacien. Car elle doit tout réapprendre. « Les noms commerciaux, la législation ou le système d’assurance maladie ne sont pas les mêmes ici. Ainsi, il existe quatre listes de médicaments, plus les stupéfiants. Chaque ordonnance doit être visée par un pharmacien. L’Aspégic 1000 est sur prescription, on peut délivrer un an de traitement de Stilnox en une seule fois, les prescriptions d’antibiotiques sont renouvelables, à la demande du patient, certains conditionnements sont plus importants, comme la metformine en boîte de 300, le Spasfon n’existe pas… » Gaëlle doit aussi s’habituer aux claviers d’ordinateurs, différents, et à la monnaie… Pendant cette période, elle reconnaît être passée par des phases de découragement.
Aujourd’hui Gaëlle a fini sa période d’essai et ne regrette rien : « La Suisse offre plus de perspectives aux pharmaciens salariés, notamment la possibilité d’assurer la gérance d’une pharmacie. » Elle apprécie également l’approche « décomplexée » des pharmacies. « Elles ressemblent à des drugstores. On trouve des rayons de droguerie, de parfumerie. L’offre des produits diététiques est très large avec des aliments sans gluten, des farines de sésame, des grains d’épeautre, de la mélasse noire, etc. »
Une législation beaucoup moins stricte qu’en France
Car l’une des caractéristiques de la Suisse est la prépondérance des médecines dites alternatives (homéopathie, naturopathie…). « La prévention est plus développée qu’en France. Les gens ne vont pas tout le temps chez le médecin et le rôle du pharmacien s’en trouve renforcé. » Les pharmacies ont également davantage de marge de manoeuvre commerciale. Là où la législation pharmaceutique est très stricte en France, en Suisse elle est beaucoup plus permissive. Les cartes de fidélité sont autorisées et les pharmaciens peuvent communiquer dans les magazines leurs promotions avec des coupons de remises détachables. Au comptoir, ils peuvent remettre aux patients des échantillons gratuits de médicaments comme par exemple des comprimés de Voltarène ou de Motilium. « Toutes ces différences sont enrichissantes d’un point de vue professionnel et culturel », conclut Gaëlle.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– La rémunération : les salaires sont 20 à 30 % plus élevés qu’en France.
– La valorisation : en Suisse, les rapports entre le pharmacien adjoint et le pharmacien gérant sont plus égalitaires qu’avec le titulaire français, car sans lien de subordination.
– Les perspectives à l’embauche : le pharmacien adjoint peut gravir des échelons et devenir pharmacien gérant.
– Travailler dans une ville cosmopolite : à Genève, les gens viennent de tous les horizons. Cette diversité se retrouve des deux côtés du comptoir.
Les difficultés
– La période d’adaptation : elle est nécessaire pour se familiariser avec les produits, la législation pharmaceutique, le système d’assurance maladie différents du modèle français.
– Les trajets ! Et le trafic peut être dense.
Les conseils de Gaëlle Bosset
– « Faites le bon calcul. Les salaires sont plus attractifs, mais travailler de l’autre côté de la frontière a aussi un coût. Outre les frais de reconnaissance du diplôme, il faut aussi ajouter les frais de transport quotidiens et le coût d’une assurance maladie privée. »
– « Si certains adjoints sont un jour tentés par l’exercice à l’étranger, il faut anticiper les démarches administratives pour obtenir l’équivalence du diplôme. »
– « Commencez par un temps partiel. La période d’adaptation demande beaucoup d’attention et de concentration. Mieux vaut ne pas forcer sur les horaires, d’autant qu’un temps plein en Suisse correspond à 40 heures de travail par semaine. »
– « Attention aux faux amis ! Les similitudes des noms commerciaux des médicaments, entre la France et la Suisse, peuvent entraîner des erreurs de délivrance. La vigilance au comptoir doit être accrue. »
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