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Pourquoi ils sont contre la loi Bachelot
Le monde hospitalier manifestait mardi à Paris contre la loi HPST à l’initiative des praticiens et personnels de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. De leur côté, les médecins libéraux font preuve d’une rare virulence à l’encontre du texte tandis que des politiques, y compris de la majorité, se montrent méfiants. Pourquoi ?
Si les officinaux trouvent plutôt leur compte dans la loi Bachelot, nombre de professionnels ne veulent pas en entendre parler. A commencer par les praticiens hospitaliers réunis dans le MDHP, Mouvement de défense de l’hôpital public (médecins, chirurgiens, pharmaciens, biologistes, odontologistes de l’AP-HP), suivis par les Hospices civils de Lyon et une intersyndicale de personnels hospitaliers.
Mardi dernier, la moitié des médecins de l’AP-HP ont participé à la grève, selon les chiffres communiqués par le ministère de la Santé. Les chiffres sont beaucoup plus faibles au niveau national (9,55 %). Sur un autre front, le premier syndicat de médecins libéraux, la Confédération syndicale des médecins de France (CSMF), se prépare à « des années d’opposition frontale », selon Michel Chassang, son président, entraînant dans son sillage le Centre national des professionnels de santé (CNPS), censé regrouper la plupart des syndicats de professionnels libéraux.
Mardi encore, l’association de malades Act Up Paris, qui exige le retrait du volet hôpital de la loi HPST, a vivement réagi : « Nous faisons les frais depuis plusieurs années d’une tarification à l’activité inappropriée […] qui conduit à une grave dégradation des conditions d’accueil dans les services censés nous soigner : délais de rendez-vous délirants, personnel infirmier insuffisant, restriction sur les soins […]. » Enfin, des élus commencent à monter au créneau alors que la loi a franchi sans problème le cap du Parlement (passant tout de même de 33 à une centaine d’articles sous la pression des lobbyings).
Guerre de chapelles sur fond de suppressions d’emplois
Pourquoi une telle opposition ? La faute aux corporatismes ? C’est en partie le cas. Ainsi en est-il des praticiens hospitaliers soucieux de conserver leurs prérogatives face à la montée en puissance des directeurs d’établissements. Un hôpital soucieux par ailleurs de conserver sa position dominante face à la ville, alors que la loi prévoit de décloisonner les soins. Le CNPS parle de « soins de ville sacrifiés dans une réforme globale qui visait en réalité la modernisation hospitalière ». Autrement dit, « Attaquez l’hôpital mais pas nous »… A ceci se mêlent des tiraillements entre médecins libéraux, notamment les spécialistes qui veulent repousser toute contrainte. Cette résistance se double d’une guerre historique entre la CSMF et MG-France, ce dernier promouvant les soins de premier recours pour avantager les généralistes, et réclamant le statut de spécialité pour la médecine générale. Ce n’est donc pas un hasard si MG-France a pris la tête d’une dizaine d’organisations syndicales qui ont signé un communiqué soutenant la loi, dont l’USPO et l’UNPF.
Le MDHP accuse cette loi de « préparer la convergence public-privé ». « C’est plus de 20 000 emplois médicaux, paramédicaux, administratifs et techniques qu’il est prévu de supprimer dans les hôpitaux publics », affirme le MDHP, qui parle de « démédicalisation » avec le renforcement des pouvoirs des directeurs. Pour ces hospitaliers, « cette loi a pour seul objectif de réduire les coûts au détriment de la qualité, de la sécurité et de l’accès aux soins ». D’où la tentation de sélectionner les malades et les pathologies les plus « rentables », dénoncent-ils.
Roselyne Bachelot est quand même montée au créneau dans la presse pour assurer qu’il ne s’agissait pas de mettre en place « l’hôpital entreprise », promettant de regarder « avec beaucoup d’intérêt » les « améliorations » qui seront proposées, minimisant le risque d’embrasement du milieu médical. On peut donc s’attendre à un examen « compréhensif » de nombreux amendements sous le regard acéré des rangs sénatoriaux dans lesquels médecins et praticiens ne manquent pas. Evoquant l’hôpital, Jean-Pierre Raffarin a déjà annoncé dans Le Monde, lundi 27 avril, que « le Sénat transformera fortement le projet de loi » en prenant le parti des médecins sur la gouvernance des établissements.
Les sénateurs se méfient des agences régionales de santé
C’est sur les fameuses agences régionales de santé (ARS) que les critiques se font jour bien au-delà des milieux de santé. Il faut dire qu’elles ont été examinées au pas de charge par l’Assemblée. Côté sénateurs, Alain Vasselle (UMP), de la commission des Affaires sociales, s’est interrogé publiquement sur leur fonctionnement financier (les contributions des organismes d’assurance maladie serviront-elles aussi au financement des politiques de santé des ARS ou juste à leur fonctionnement ?). Le rapporteur UMP Alain Milon a, lui, d’ores et déjà émis un doute concernant la régionalisation : « Le projet de loi charge [les ARS] de définir des politiques régionales de santé alors que la politique de la santé est, et doit rester, une politique nationale », a-t-il insisté à l’examen du texte, demandant à l’exécutif de « clarifier » le rôle des ARS et leur pilotage national.
Certains professionnels de santé ne réclament pas autre chose. C’est notamment le cas, côté officine, de la FSPF qui a déjà, à plusieurs reprises, émis des réserves sur les ARS qui déboucheraient davantage sur une régionalisation qu’une réelle décentralisation, avec un danger pour la politique conventionnelle qui doit rester nationale. Or, rien n’est moins sûr compte tenu de la rédaction actuelle de la loi. « D’après le texte sur la coopération, les professionnels de santé devront soumettre les protocoles à l’ARS qui les soumettra elle-même à la HAS avant de les mettre en oeuvre, la HAS ayant en outre la possibilité de décider de les appliquer au niveau national. Le dispositif est totalement contrôlé par l’ARS et la HAS », analyse Philippe Gaertner. « Il y a tellement de niveaux de contrôles à la montée et à la descente que cela ne sera jamais de la responsabilité de personne quand ça ne marchera pas !, met en garde le président de la FSPF. L’organisation générale, renvoyée à une logique d’expérimentations, risque de remettre en cause l’égal accès aux soins pour les patients. »
Le calendrier de la loi est toujours maintenu par le gouvernement
Le projet de loi pourrait-il être repoussé ? On peut en douter au vu de la mobilisation de l’exécutif, l’Elysée ayant trouvé le danger suffisamment important pour recevoir durant deux heures, le 22 avril, une délégation de l’hôpital public. A la suite de quoi Nicolas Sarkozy a promis de « se pencher à nouveau sur le texte » en ce qui concerne la gouvernance de l’hôpital, parlant d’un « malentendu » lié à un problème de formulation. Même si la loi est votée, la réforme hospitalière ne se fera pas contre le milieu médical, a analysé ces derniers jours Alain Juppé, en connaissance de cause*.
Ce qui est en train de se passer démontre en tout cas une fois de plus la crainte que le corps médical inspire au pouvoir exécutif. Si l’on ne sait pas dans quel état ressortira le texte du Sénat, le gouvernement entend conserver son agenda : promulgation avant l’été et premiers décrets (ARS) à partir de septembre.
* Avec les « ordonnances Juppé » de 1995, le Premier ministre de l’époque avait provoqué les plus grosses manifestations depuis 1968, avant de reculer jusqu’à la dissolution de 1997.
Des médecins très fiévreux
Côté médecine de ville, la CSMF, avec à ses côtés le Syndicat des médecins libéraux (SML), estime que la loi HPST « cassera l’exercice libéral » et promet une bataille d’amendements au Sénat à partir du 11 mai. Notamment sur l’article concernant les soins de premiers recours, qui intéresse les officinaux puisqu’il formalise le conseil pharmaceutique. Le syndicat veut aussi faire modifier le texte afin que la coordination des soins soit strictement assurée par un médecin généraliste en cas de coopération professionnelle. A la longue liste des points que la CSMF veut rayer figurent notamment les SROSS (schémas régionaux d’organisation des soins) ambulatoires, le signalement des départs en congés et la taxe applicable à partir de 2012 aux médecins des zones surdotées. Le syndicat stigmatise aussi la mise en danger du système conventionnel. Les agences régionales de santé auront un « pouvoir exorbitant », selon le CNPS, qui y voit une « étatisation ». Les libéraux dénoncent la « balkanisation » du système, « bâillonnant les syndicats nationaux représentatifs ». « Le fil conducteur du gouvernement consiste clairement à détruire les syndicats nationaux », avait déjà asséné le 9 avril dernier Christian Jeambrun, président du SML.
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