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Vive l’innovation humaine contre le VIH
2022 pourrait être à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de la lutte contre le VIH. Trois avancées majeures en matière d’allégement thérapeutique et de traitements sont en effet proposées aux patients depuis le début de l’année. Explications.
Pour améliorer le quotidien des patients atteints du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), tout en maintenant leur charge virale indétectable, la recherche explore depuis une dizaine d’années des stratégies d’allégement thérapeutique. Deux ont été validées en début d’année. La première concerne les traitements dits intermittents. « Jusqu’à présent, nous administrions en routine des trithérapies composées d’antiviraux pour bloquer la réplication virale dans les cellules infectées. Elles étaient composées classiquement de deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), associés soit à un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI), soit à un inhibiteur de protéase (IP), soit à un inhibiteur d’intégrase (II). Ces traitements, qui ont fait la preuve de leur efficacité, sont très bien tolérés. Mais ils impliquent de prendre à vie un comprimé par jour pour maintenir la charge virale indétectable, rappelle le Dr Pierre de Truchis, praticien hospitalier dans le service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches (Hauts-de-Seine). L’essai ANRS [Agence nationale de recherche sur le sida, NdlR] Quatuor, auquel mes équipes ont participé, et dont les résultats ont été publiés et validés en début d’année, a permis de démontrer qu’une trithérapie administrée sur quatre jours par semaine, du lundi au jeudi, était tout aussi efficace que sept jours sur sept chez des patients en succès thérapeutique ne présentant pas de résistance aux traitements en cours. » « Pour les personnes séropositives, il s’agit d’une avancée considérable sur le plan personnel et psychologique, assure Christine Katlama, professeure de maladie infectieuse à Sorbonne université et praticienne hospitalière responsable de l’unité de prise en charge ambulatoire dans le service des maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière (Paris). D’abord parce qu’elles peuvent mettre leur traitement en “off” le week-end, ensuite parce que ce nouveau protocole thérapeutique se traduit aussi par 40 % de chimie en moins dans leur organisme, et autant d’économies réalisées sur les médicaments non administrés. »
La deuxième stratégie d’allégement validée, c’est le passage de la trithérapie à la bithérapie. « Celle qui est aujourd’hui la plus utilisée, Dovato, associe en un seul comprimé à prendre tous les jours le dolutégravir, un inhibiteur d’intégrase, et la lamivudine, un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse, confie Pierre de Truchis. Nous avons également à notre disposition Juluca, un traitement qui combine, lui, dolutégravir et rilpivirine, un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse. Ces bithérapies ont montré leur efficacité chez des patients déjà sous traitement initial. A la suite des essais, Dovato est aussi recommandé dans les traitements de première ligne. »
Une longue durée d’action
L’autre voie de recherche explorée depuis une dizaine d’années, et qui commence à porter ses fruits, concerne les traitements à longue durée d’action. « Cette année, le premier des médicaments antirétroviraux de ce type, le cabotégravir (Vocabria), un anti-intégrase associé à la rilpivirine (Rekambys), a été commercialisé et mis à disposition des patients, explique Christine Katlama. Ces deux molécules ont la particularité d’être formulées sous forme de nanoparticules. Elles sont donc administrées sous forme injectable par voie intramusculaire chez des patients traités et indétectables, selon un protocole précis. Après une première dose de charge avec deux injections dans chaque fesse à un mois d’intervalle, le traitement d’entretien prévoit une injection des deux produits toutes les huit semaines. En sachant que les trois premières séances doivent se dérouler en milieu hospitalier. A partir du cinquième mois, les infirmières libérales en ville formées à la technique en Z d’injection profonde en intramusculaire peuvent prendre le relais. »
Cette nouvelle bithérapie présente toutefois quelques contraintes. « La régularité des injections constitue notamment un élément important, explique le Dr Pascal Pugliese, praticien hospitalier au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice (Alpes-Maritimes), ex-président de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), et membre du Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS). Pour les réaliser en routine toutes les huit semaines, nous disposons d’une fenêtre d’administration limitée à sept jours avant et sept jours après la date théorique. Il faut donc s’assurer que le patient est observant et respecte bien le calendrier d’injections. Dans le cas contraire, il y a un risque d’échec thérapeutique avec sélection de résistances aux classes de traitements utilisées. »
Potentiel d’avenir
D’autres molécules à longue durée d’action font également l’objet de nombreuses recherches. C’est le cas par exemple des inhibiteurs de capside. L’un d’entre eux, le lénacapavir (Sunlenca), a déjà obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA) pour des patients en échec thérapeutique. Il devrait être bientôt disponible en France. « Le gros avantage potentiel de cette molécule qui a prouvé son efficacité lors des essais de phase 2, c’est qu’elle pourra être administrée en injection sous-cutanée probablement tous les six mois. Elle pourrait donc aussi être administrée en auto-injection », souligne Christine Katlama. « Mais on n’a pas encore identifié un compagnon avec les mêmes caractéristiques pharmacocinétiques qui permettraient de l’injecter lui aussi tous les six mois, tempère Pierre de Truchis. L’association des nouveaux médicaments à longue durée d’action avec un inhibiteur non nucléosidique de la translocation, l’islatravir, a suscité beaucoup d’espoirs, mais le développement de ce dernier a été interrompu transitoirement l’année dernière lorsque l’on s’est aperçu que ce médicament générait des lymphopénies. Les essais viennent de redémarrer avec des doses plus faibles, permettant probablement d’éviter une cytotoxicité sur les globules blancs. Le laboratoire Gilead, qui commercialise le lénacapavir, est également en train de tester une combinaison avec le bictégravir. Et de nouveaux modes d’administration de ces médicaments sont à l’étude afin de prolonger leur durée d’action, par exemple avec des formulations en nanoparticules lipidiques, en patchs, voire en implants sous-cutanés. » Un autre médicament, le fostemsavir (Rukobia), est disponible depuis plus d’un an. « Cet inhibiteur de maturation peut être prescrit en dernier recours chez les patients en échec thérapeutique, en association avec d’autres antirétroviraux appropriés, précise Pascal Pugliese. Cette prescription doit être décidée en réunion de concertation pluridisciplinaire. Elle n’a pas vocation à être employée en routine pour tous les patients. »
Une vraie révolution
Enfin, les anticorps monoclonaux pourraient se faire une place au soleil dans l’arsenal thérapeutique parmi ces nouveaux traitements à longue durée d’action en cours de développement. « La nouvelle génération d’anticorps monoclonaux synthétiques à spectre large a la particularité d’agir sur plusieurs fragments protéiques de la surface du virus pour empêcher la liaison avec la surface de la cellule, plus particulièrement avec la protéine CD4, explique Pierre de Truchis. Ils se distinguent aussi par une durée d’action de plusieurs mois et l’absence à court terme de développement de mutations de résistance. Ils pourraient même permettre de reproduire une rémission fonctionnelle du VIH telle que celle observée sur de rares patients ayant été traités très précocement par des antirétroviraux, et qui ont conservé une charge virale indétectable après avoir arrêté leur traitement. Si ces molécules continuent leur développement, des essais d’interruption du traitement antiviral pourraient être envisagés. »
Pour Christine Katlama, l’émergence de ces nouveaux traitements actifs à longue durée constitue une vraie révolution pour les patients. « Lorsque vous êtes atteints d’une pathologie qu’il faut traiter pendant 30 ou 40 ans, dans des contextes parfois compliqués et avec encore beaucoup de stigmatisation, passer d’un comprimé par jour à vie à une injection tous les six mois serait quelque chose de fantastique, assure cette infectiologue qui préside l’Alliance francophone des acteurs de santé contre le VIH et les infections virales chroniques ou émergentes (Afravih). Ce n’est donc pas un hasard si tous les laboratoires se penchent aujourd’hui sur le développement de ces traitements qui présentent en outre la particularité d’être efficaces en prophylaxie préexposition (PrEP). »
L’arrivée de ces nouveautés sous forme injectable impacte d’ores et déjà l’organisation des soins. « L’hôpital doit faire réseau avec les infirmières de ville, qui sont chargées de réaliser les injections, mais aussi avec les pharmaciens d’officine qui ont, eux, vocation à délivrer les traitements, à s’assurer que le patient possède bien les injectables, et que les injections sont administrées en temps et en heure », assure Pascal Pugliese. Pour aider les officines à prendre toute leur place dans ces nouveaux parcours de soins coordonnés, la commission pharmacien de la SFLS met d’ailleurs à leur disposition sur son site internet une batterie de documents consacrés aux traitements injectables, à leur efficacité, à leur tolérance, ainsi que les conseils à délivrer aux patients.
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