Consommation d’antibiotiques : comment mieux la maîtriser ?

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Consommation d’antibiotiques : comment mieux la maîtriser ?

Publié le 28 novembre 2022
Par Magali Clausener
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Alors que la France fait face à une pénurie d’amoxicilline, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) fait le point sur la lutte contre l’antibiorésistance en France. Et pointe un bilan mitigé en santé humaine.

C’est l’histoire d’un objectif non atteint : réduire la consommation d’antibiotiques de 25 %. Il est même loin d’être atteint selon un rapport de l’Igas publié le 22 novembre 2022. Entre 2016 et 2019, les établissements de santé ont vu leur consommation d’antibiotiques diminuer d’environ 10 % (avec des variations selon les établissements et les secteurs d’activité) ; en ville, les indicateurs de suivi des rémunérations sur objectifs de santé publique (Rosp) ciblés sur l’antibiothérapie révèlent une moindre réduction du nombre de traitements antibiotiques prescrits aux patients de 16 à 65 ans sans ALD (- 7 %), et des antibiotiques générateurs d’antibiorésistance chez les adultes (- 8,5 %) et les enfants (- 13 % avant 4 ans, – 7 % après 4 ans).

Selon l’Igas, ces « résultats mitigés » tiennent à plusieurs facteurs : mobilisation encore insuffisante des médecins généralistes, sous-utilisation des tests permettant de guider la prescription, diminution des séjours à l’hôpital reportant une partie des prescriptions sur la ville, rôle encore balbutiant des pharmaciens dans le recours au test rapide d’orientation diagnostique (Trod) angine et la délivrance à l’unité, comportements d’une partie de la patientèle dont l’attente d’antibiotiques peut susciter des prescriptions inutiles et/ou qui ne respecte pas toujours le cadre de la prescription (automédication, mauvaise observance).

L’Igas souligne aussi que d’autres activités ont été insuffisamment prises en compte : c’est le cas des chirurgiens-dentistes, qui représentent 10 % des prescriptions d’antibiotiques en ville, pas assez formés et peu mobilisés sur ce sujet dans leur pratique.

Le rapport relève aussi que l’arsenal thérapeutique en santé humaine et animale est « fragilisé par la contraction d’un marché incertain et peu attractif en prix comme en volume » et que, « en partie du fait de la crise Covid, les actions conduites ont manqué de coordination et n’ont pas suffisamment veillé à l’indispensable synergie des acteurs de la recherche, de la valorisation, du soutien à l’innovation et à la production industrielle pour, à la fois, défendre l’arsenal thérapeutique existant et contribuer à l’innovation (en médicaments ou dispositifs in vitro) ou au repositionnement d’anciennes molécules ».

Garantir un chiffre d’affaires

L’Igas formule de nombreuses recommandations, en mettant l’accent sur le renforcement d’une approche « Une seule santé ». En santé humaine, elle préconise de fixer « un taux cible ambitieux de réduction des prescriptions indues » et d’intensifier les actions visant au meilleur usage des antibiotiques comme la formation, le déploiement des Trod, de l’ordonnance dédiée et de la dispensation à l’unité.

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En matière de production de médicaments, elle recommande aussi « de réserver sans attendre une enveloppe antibiorésistance au sein des fonds du Plan innovation Santé 2030 afin de financer notamment deux actions susceptibles de restaurer une attractivité du marché des produits de maîtrise de l’antibiorésistance : l’expérimentation d’un mécanisme encadré, à préciser, de garantie de chiffre d’affaires annuel pour certains antibiotiques essentiels et la création d’un fonds dédié de soutien permettant aux PME de se financer, pour développer les produits pertinents dès la phase clinique ».