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L’économie officinale au plus mal
L’économie officinale est victime de la régulation forcenée sur le médicament et les soins de ville. Celle-ci sera encore accentuée dans le cadre du PLFSS 2010, sans pour autant permettre de sortir du rouge les comptes de la Sécurité sociale, elle-même victime de son mode de financement. Désespérant !
Les ministres de la Santé et du Budget doivent donner les grandes orientations du PLFSS 2010 le 7 octobre prochain. Dans la foulée du rapport de la Cour des comptes, les prévisions pour 2009-2010 ne laissent guère place à l’optimisme : baisse de la masse salariale de 2,1 % en 2009, 110 milliards de pertes fiscales au premier trimestre, – 18 % de recettes liées à la TVA (selon l’Espace social européen). Le déficit 2009 de la Sécurité sociale devrait dépasser les 20 milliards d’euros. Alors même que l’ONDAM promet d’être respecté pour les soins de ville…
C’est d’autant plus rageant que l’officine en subit directement les conséquences. « 2008 a été la seconde année négative de l’histoire pour la pharmacie, et l’évolution reste négative sur 12 mois à juillet 2009, notait la semaine dernière Philippe Gaertner, président de la FSPF, en marge de la présentation du prochain Congrès national à Strasbourg. A – 2 % d’unités sur 12 mois, la maîtrise médicalisée bat son plein. Et, avec 200 millions de rémunération en moins sur 2008, 2007 et 2006, l’officine a largement participé à tous les plans d’économies. »
De quoi s’attendre à un objectif de dépenses drastique sur le médicament pour 2010, voire à un plan d’économies dès cet automne ? « On nous a parlé d’un ONDAM de soins de ville à + 3 % pour 2010, et de + 2 à + 2,25 % pour le médicament, informe Claude Japhet, président de l’UNPF, mais on ne peut pas pour autant parler de surmesures concernant l’officine cette année. » Pas de « surmesures » donc, mais certainement des baisses de prise en charge, avant de probables déremboursements, ainsi que des baisses de prix. En attendant, la marge officinale chute (- 1,3 % sur 12 mois à juillet 2009). « Il manque 100 à 150 millions de marge au réseau par rapport à l’an dernier. Il faudra les y réinjecter via des services, ce qui récompensera les pharmacies qui s’en donneront la peine », estime Claude Japhet.
Tir groupé contre les grands conditionnements
Le spectre des grands conditionnements reste entier. « Je veux tordre le coup à l’idée qui consiste à dire que les pharmaciens ne jouent pas le jeu, lance Philippe Gaertner. Les conditionnements trimestriels sont délivrés dans 79,9 % des cas où cela est possible, soit un taux aussi bon que celui du générique. » Depuis le début de l’« épopée » des grands conditionnements, Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, ne décolère toujours pas. Il en arrive même à remettre en cause leur bien-fondé : « Il suffit que 10 % des patients changent de traitement pour que ce mécanisme se transforme en gaspillage », tempête-t-il. La Fédération s’insurge, elle, contre l’ouverture des grands conditionnements à des domaines qui n’étaient pas prévus au départ : « On disait au début qu’ils concerneraient des produits sans risque, or un des derniers sortis est un anticancéreux ! » Ce n’est pas tout. « La profession a subi, en plus des baisses de prix des grands conditionnements de l’ordre de 5 % sans aucune compensation !, constate par ailleurs Claude Japhet. Et avec leur taux de pénétration actuel, les autorités n’ont plus aucune envie de revenir discuter avec nous sur le sujet… »
En tout cas, les mesures indirectes suffisent à faire contribuer la pharmacie au-delà du respect de l’ONDAM. Piètre consolation quand la trésorerie se creuse et que les banques ferment le robinet.
Coup de frein sur la croissance des dépenses de médicaments
Du côté de la CNAM, on s’est félicité, le 17 septembre dernier, d’« un nouveau ralentissement de la croissance des dépenses de médicaments en 2008 » : + 3,7 % seulement après une hausse de 4,8 % en 2007. Les dépenses de médicaments avant franchises médicales s’élèvent à 15,8 milliards d’euros (soit 22 milliards pour l’ensemble des régimes).
Deux facteurs peuvent l’expliquer : primo, le développement des génériques et les baisses de prix (500 millions d’euros d’économie) ; secundo une quasi-stagnation du nombre de boîtes vendues (+ 1 %). Pour la première fois, les médicaments prescrits dans les épisodes aigus et de courte durée voient leurs dépenses diminuer de 3,4 % (104 millions d’euros d’économie) : – 50 millions pour les veinotoniques, – 37,5 millions pour les antiacides et antiulcéreux et – 18 millions pour les anti-infectieux.
La progression est maîtrisée (+ 3,9 %) du côté des chroniques, premier groupe de médicaments remboursés (6,9 milliards d’euros). Les antiagrégants et antithrombotiques ont toutefois connu une croissance de 6 %. Pas étonnant que les génériques du Plavix (qui représente 600 millions d’euros par an de remboursement pour l’assurance maladie, tous régimes confondus) soient attendus comme le loup blanc par la Sécu. « C’est un facteur substantiel d’économies », fait remarquer sans détour le directeur général de la CNAM, Frédéric Van Roekeghem. Seuls les médicaments de spécialités affichent une augmentation conséquente (+ 9,7 %, soit près de 400 millions d’euros).
Deux remarques au passage pour corroborer le propos : les boîtes à plus de 30 euros représentaient 44 % des dépenses en 2006 contre 51 % en 2008, et le coût moyen d’une boîte est passé de 8,7 euros à 10,7 entre 2003 et 2008. « Mauvais » élèves, les traitements du cancer (+ 69 millions d’euros). « Bons » élèves, les érythropoïétines (-31 millions d’euros).
Une petite devinette pour la fin : qui enregistre la plus forte croissance en 2008 ? Les vaccins. Avec Gardasil et Cervarix, ils signent un remarquable + 33,4 %.
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