Acquisition Réservé aux abonnés

Comment investir dans une jeune société

Publié le 17 octobre 2009
Mettre en favori

Placer une partie de son épargne dans le capital d’une jeune société prometteuse peut offrir de belles opportunités financières tout en aidant un entrepreneur à tracer son sillon. Et, au passage, vous permettre de réduire vos impôts. Petit guide à l’intention du néophyte.

Nul besoin d’être un professionnel de l’investissement pour aider à financer une jeune société. En effet, au moment de créer son entreprise, le dirigeant a besoin d’un peu de liquidités pour sortir un produit, communiquer ou encore financer ses premiers locaux. Or, à ce stade précoce du développement de l’entreprise, les banques rechignent souvent à prêter de l’argent. Seuls des particuliers, souvent eux-mêmes des chefs d’entreprise ou professions libérales, acceptent de prendre ce risque.

« Ce rôle d’investisseur providentiel n’est nullement incompatible avec la profession de pharmacien car il s’agit d’une activité à titre privé », précise Xavier Laboureix, avocat associé chez LFA, qui est également ce que l’on appelle un « business angel ». « Un business angel est une personne physique qui, en plus de son argent, met gratuitement à disposition d’un entrepreneur ses compétences, son expérience, ses réseaux relationnels et une partie de son temps », définit Nicolas Fritz, délégué général de France Angels.

1. Quels avantages financiers ?

Depuis deux ans, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) donne un sacré coup de pouce fiscal à des particuliers qui investissent dans de jeunes sociétés. Ainsi, depuis le 1er janvier 2009, ils peuvent profiter d’une réduction d’impôt égale à 25 % des versements effectués dans la limite d’un plafond de 50 000 euros (personne seule) ou de 100 000 euros (couple). Pour pouvoir bénéficier du dispositif, les entreprises dans lesquelles vous investissez doivent employer moins de cinquante salariés, avoir un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros et avoir été créées depuis moins de cinq ans.

Un autre dispositif existe pour les entreprises plus importantes (les PME de moins de 250 salariés) : le montant de la réduction d’impôt est, là aussi, égal à 25 % des versements, mais dans la limite de 20 000 euros (personne seule) ou 40 000 euros (couple marié ou pacsé). Cependant, pour en profiter, les titres des entreprises doivent être détenus pendant une période d’au moins cinq ans.

Les contribuables qui payent l’impôt sur la fortune bénéficient, quant à eux, d’un abattement de 75 % des sommes investies dans la limite de 50 000 euros. De la même manière que l’impôt sur le revenu, ils doivent garder les parts de société durant une période de cinq ans au minimum.

2. Combien de temps y consacrer ?

« Attention, met en garde Xavier Laboureix, ce type d’investissement ne répond pas à la logique d’un épargnant simplement désireux d’optimiser sa facture fiscale ! L’investisseur doit consacrer du temps de manière bénévole à cette entreprise afin de l’aider. » Cela signifie faire l’analyse d’un business plan, donner des conseils pour mettre un produit sur le marché, partager son réseau relationnel, élaborer une stratégie de communication… L’intervention d’un business angel se concentre en moyenne sur quelques heures par mois, voire par trimestre (en plus de l’assemblée générale), et à quelques coups de fil. Mais, au fil du temps, l’investissement en temps va decrescendo.

Publicité

« Au début, le créateur a besoin d’être entouré de conseils puis, au bout de quelques mois, il devient plus autonome. L’investisseur doit alors savoir prendre de la distance pour lui laisser gérer son affaire sans faire trop d’ingérence », conseille Nicolas Fritz.

3.Dans quels secteurs investir ?

Tout dépend de ce que vous voulez apporter. Chacun, en fonction de son CV ou de ses compétences, apportera une expertise économique, marketing ou médicale. « Un pharmacien, en plus de ses compétences pharmaceutiques ou de chef d’entreprise, peut par exemple apporter à une jeune entreprise liée à la santé un vrai retour terrain de ce que souhaitent les consommateurs », assure Pierre-Emmanuel Aubert, président d’Angels Santé, un réseau qui fédère les business angels investissant dans le secteur de la santé (voir ci-contre). Dans ce réseau, crée il y a quelques mois, une soixantaine d’investisseurs ont déjà financé douze projets de jeunes sociétés spécialisées dans le médicament, les dispositifs médicaux, les services dans la santé ou les nouvelles technologies ayant des applications santé, comme par exemple Santélog, un jeune prestataire de services aux réseaux de soins, ou la société de biopharmacie DNA Therapeutics.

4.Combien investir ?

Au moment du démarrage, une jeune société a souvent besoin de quelques dizaines de milliers d’euros, parfois davantage, surtout dans le secteur de la santé particulièrement gourmand en liquidités. « Dans ce secteur, chacun investit à la mesure de ces moyens, à partir de 5 000 euros », précise Nicolas Fritz. D’ailleurs, un business angel investit rarement seul. « Un entrepreneur peut avoir besoin de 30 000 euros, voire davantage, pour se lancer. Du coup, il n’est pas rare qu’une dizaine d’investisseurs mettent des tickets moyens de 3 000 euros. Cela permet, au passage, de mutualiser les risques », précise Pierre-Emmanuel Aubert. Mais, ensemble, ils prendront rarement plus de 30 % du capital.

5. Quel intérêt pour le pharmacien ?

Lorsqu’il choisit d’investir dans une jeune société, le pharmacien apporte son expertise officinale, mais aussi marketing ou financière. Outre un sacré coup de pouce fiscal, cet investissement peut avoir deux intérêts principaux :

-Un intérêt financier : en misant sur une jeune société, le pharmacien accepte de prendre un risque. C’est un placement à moyen terme qui peut payer. Car si, cinq ans plus tard, le succès est au rendez-vous pour la jeune société, le pharmacien pourra voir sa mise initiale décuplée voire plus. « En investissant dans trois sociétés, il y en a forcément une qui a des chances de bien se développer et de sortir du lot », avance Xavier Laboureix. A condition de bien border, dès le départ, les conditions de sortie du capital à travers le pacte d’actionnaires. Avec ce contrat, signé entre l’entrepreneur et tous les actionnaires, vous pourrez même déterminer quand et comment vous voulez partir, même si cela peut rester, à ce stade, très théorique.

« Un investisseur peut sortir du capital au moment de la revente de la société, mais il peut aussi se faire racheter ses parts par d’autres investisseurs ou l’entrepreneur lui-même, indique Xavier Laboureix. Il peut exiger ainsi de sortir dans un laps de temps de 3 à 5 ans. » Et récupérer l’argent correspondant à ses parts suivant la valeur actualisée de l’entreprise. D’où l’intérêt de bien évaluer, au départ, le potentiel d’une jeune société.

-Un intérêt marketing : pour peu que vous investissiez dans le secteur médical, rien ne vous interdit de nouer un lien entre la jeune société pleine de promesses et votre officine. « Il y a un échange d’expériences qui peut se créer assez facilement entre l’investisseur, surtout s’il dispose d’un point de vente », admet Pierre-Emmanuel Aubert. Pourquoi, par exemple, ne pas mettre en avant les premiers produits d’un jeune laboratoire (auxquels vous croyez peut-être plus que d’autres) dans les linéaires, voire même proposer une animation pour votre clientèle ? Ou pourquoi ne pas se lancer dans un réseau de soins si votre petite protégée travaille dans ce créneau ? … Bref, investir dans une jeune société peut être l’occasion de vous créer de nouvelles spécialités et, dès lors, constituer une source de business supplémentaire.

Trois étapes pour investir

1- Demander à l’entrepreneur d’envoyer une fiche synthétique de son projet, voire un business plan.

2- Sélectionner le projet sur lequel vous investirez. Idéalement, il est judicieux de rejoindre un réseau d’investisseurs à cette occasion. La plupart d’entre eux sont structurés en comités de sélection. Vous pourrez ainsi confronter votre avis avec celui d’autres personnes de profils différents. Quelques-uns sont alors désignés pour approfondir les dossiers en organisant des réunions de travail avec les entrepreneurs et négocient la valorisation de l’entreprise.

3- Négocier le pacte d’actionnaire, notamment sur les conditions d’entrée et de sortie.

en savoir plus

Un réseau structuré existe pour qui veut investir dans le secteur de la santé. Depuis quelques mois, Angels Santé (http://www.businessangelssante.com) réunit une soixantaine de personnes physiques, en général issues de la santé. Vétérinaires, médecins, mais aussi pharmaciens ont déjà rejoint ce réseau parrainé par le Leem et l’Institut Pasteur. Ils investissent dans des jeunes sociétés du secteur. Cette association organise régulièrement des soirées de présentation de projets d’entreprises et met à disposition une véritable boîte à outils juridiques et financiers à ses membres.

Les plus et les moins

Les Plus

+ Une déduction fiscale des sommes investies sur l’impôt sur le revenu et l’ISF.

+ Développer son business à l’officine à travers les spécialisations développées par la jeune société.

+ Sortir du capital avec une mise multipliée en cas de succès de l’entreprise.

+ Un échange riche d’expériences.

Les Moins

– Une disponibilité importante de manière bénévole pour aider l’entrepreneur.

– Une prise de risque forte. Si l’entreprise coule, vous ne récupérerez pas votre argent.