Carrière Réservé aux abonnés

Le rôle de leur vie

Publié le 24 octobre 2009
Mettre en favori

Sandrine Panchou, adjointe, est responsable depuis un an de la pharmacie expérimentale de la faculté de Rouen. Elle anime, entre autres, des jeux de rôle pour familiariser les étudiants de sixième année officine aux situations de comptoir. Cette année, les futurs pharmaciens vont se confronter à un nouvel acteur : le dossier pharmaceutique.

Des stagiaires, Sandrine Panchou en a vu défiler beaucoup en 18 ans d’exercice. Adjointe dans une pharmacie rouennaise – où elle travaille toujours -, elle a appris à échanger avec eux, à répondre à leurs interrogations et a les aider à faire le lien entre les connaissances théoriques enseignées sur les bancs de la fac et la réalité du terrain. « J’aime mon métier, j’aime faire partager mon expérience », tient à souligner Sandrine. C’est au contact de ces stagiaires que l’envie lui est venue d’aller plus loin dans la transmission de son savoir-faire.

Sandrine va d’abord enseigner pendant quatre ans le commentaire d’ordonnances aux futurs préparateurs du centre de formation d’apprentis de Mont-Saint-Aignan, en plus de son temps partiel à l’officine. C’est alors que l’opportunité d’un renouvellement de poste à la faculté de pharmacie de Rouen se présente. En juillet 2008, elle devient maître de conférences associé, avec pour mission de réhabiliter la pharmacie expérimentale de la faculté de Rouen, créée en 2000.

Des vraies ordonnances avec de faux patients

La pharmacie expérimentale, destinée aux étudiants de 6e année, est une pharmacie « pour de faux ». Les étudiants y jouent aux vrais pharmaciens sur un vrai logiciel, avec de vraies ordonnances, de vrais produits mais… de faux patients. Quand on ouvre la porte bleu foncée menant au local, très lumineux, on se retrouve face à deux comptoirs munis de postes informatiques, comme dans la plupart des vraies pharmacies. Le mobilier a été offert à la faculté par un titulaire des environs qui réagençait son officine. Quant au matériel informatique, il a été financé par le laboratoire de chimie minérale. La pharmacie expérimentale de la faculté de Rouen est aujourd’hui devenue un véritable outil de formation à la pratique officinale.

« En arrivant à la pharmacie expérimentale, mon premier souci a été de déterminer les aspects que les étudiants n’abordaient pas à la fac et auxquels ils seraient confrontés à l’officine », explique Sandrine. En parallèle, elle contacte d’anciens stagiaires récemment diplômés et leur soumet la même question. Quatre grands thèmes se dessinent : la contraception, la diabétologie, la vaccination et tout ce qui concerne les pansements et les soins des plaies.

Le second chantier de Sandrine a été de récolter des ordonnances dans l’officine où elle exerce. « J’ai mis tout le monde à contribution ! », s’amuse-t-elle. Pour obtenir du matériel et des produits, elle contacte également les laboratoires par l’intermédiaire des représentants qu’elle rencontre à l’officine ou par courrier. Résultat : les hautes étagères blanches de la pharmacie expérimentale sont pleines aujourd’hui de médicaments (antalgiques, pilules contraceptives, antidiabétiques oraux, antibiotiques, boîtes de pansements…). Il y a un an, quand Sandrine a pris ses fonctions, seules quelques boîtes étaient disposées çà et là.

Publicité

Le plus compliqué pour Sandrine aura été l’informatique. Le logiciel Pharmagest datait de 2000 et une mise à jour s’imposait avec l’installation de LGPI. Mais faire cohabiter le logiciel de la pharmacie expérimentale avec le réseau interne hypersécurisé de l’université ne fut pas une mince affaire !

Corriger les élèves autant sur le fond que sur la forme

A la rentrée 2008, Sandrine était fin prête. Son programme : trois séances de trois heures réparties sur le premier semestre de 6e année, et ce, pour chacun des trois groupes d’une douzaine d’étudiants. Durant les premières deux heures et demi du cours, elle anime des jeux de rôles. Les élèves sont assis en demi-lune autour d’un comptoir derrière lequel l’un d’entre eux joue le rôle du pharmacien. Une ordonnance est distribuée à l’assemblée et un élève se désigne pour jouer le patient.

Sandrine observe et souffle parfois des questions piège au faux client pour mettre le futur pharmacien à l’épreuve. Une fois la mise en scène terminée, Sandrine demande aux autres élèves ce qu’ils en ont pensé. Auraient-ils agi différemment ? Puis elle commente. Elle corrige le futur pharmacien autant sur le fond que sur la forme, faisant le point sur le bien-fondé scientifique de son discours, les conseils ou ventes complémentaires qui ont pu être oubliés, mais également l’attitude au comptoir, le vocabulaire, pour éliminer éventuellement certains tics. « Je me souviens d’un étudiant qui répétait le mot « petit » à tout bout de champ : « Je vais vous donner une petite boîte », « Vous prendrez ce petit comprimé »… », se remémore Sandrine avec un sourire bienveillant.

L’enseignante donne également à ses élèves des clés pour aborder certaines situations délicates comme un refus de générique ou un client qui ne connaît pas le diagnostic de sa pathologie. Les cours s’achèvent toujours par 30 minutes de théorie. Elle reprend alors ses principaux points pour être sûr que chacun a bien les mêmes informations et que tout a bien été compris.

« Savoir expliquer au comptoir à quoi sert le DP »

Les cas de comptoir que Sandrine propose aux étudiants sont tirés de la « vraie vie ». Elle pense pharmacie expérimentale 24 heures sur 24. A l’officine, elle est à l’affût de questions ou remarques de clients pouvant avoir un intérêt pour ses étudiants. Elle en rêve même la nuit ! Les étudiants travaillent presque tous en pharmacie et tirent donc un bénéfice immédiat de ce qu’ils vivent pendant ces jeux de rôle.

Au 2e semestre, Sandrine retrouve ces trois groupes pour des cours de « petit matériel ». Elle familiarise également les étudiants de 5e année aux soins à domicile, en amphi cette fois. « J’essaye de me rapprocher le plus possible de mon domaine : le comptoir. J’illustre mon cours de cas pratiques, de vécu. »

Dans quelques jours, c’est la seconde rentrée de Sandrine. Pour la première fois, elle suit une même promotion sur deux années consécutives, s’apprêtant à retrouver ses 5e année de l’an passé. Nouveauté cette année : le dossier pharmaceutique. Elle y travaille depuis septembre 2008. « Face à un client récalcitrant, les étudiants doivent savoir expliquer au comptoir à quoi sert le DP », insiste Sandrine, dont la seule hantise est le temps. Les trois séances de trois heures de cours suffisent-elles pour former les élèves au comptoir ?

Certains pharmaciens de la région aimeraient venir à la pharmacie expérimentale se former au DP et le CFA voisin vient même y donner des cours. Quel succès ! Voilà bien un rôle de premier plan pour Sandrine et pour la pharmacie expérimentale de Rouen.

Envie d’essayer ?

Les avantages

– Diversifier son activité.

– Transmettre ses expériences, créer une passerelle entre la théorie enseignée en amphi et l’exercice très pratique du comptoir officinal.

– Bénéficier d’échanges enrichissants avec les étudiants.

– Se lancer dans ce type d’initiative pousse aussi à se former personnellement et à toujours se tenir au courant de l’actualité pharmaceutique.

Les difficultés

– En dehors des séances, la préparation demande beaucoup de temps. C’est une activité que l’on a toujours présente à l’esprit.

– Il est souvent difficile de condenser ce que l’on a à dire dans le temps imparti de la séance.

Les conseils de Sandrine Panchou

« Demandez-vous ce que vous pouvez apporter à la fac et aux étudiants, ayez envie d’innover et de faire partager vos expériences. »

« Il faut avoir du temps à y consacrer et en avoir très envie. »

– « Soyez ouvert, allez de l’avant, ne soyez pas timide. »